lundi 9 août 2021

Passage du devoir-être moral à l’action dans Engels : Ludwig Feuerbach et l’aboutissement de la philosophie classique allemande

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1- Prologue

Ce petit opus d’une cinquantaine de pages est une synthèse pédagogique rédigée par Engels qui résume le système de pensée de Marx en présentant sa généalogie historique à partir de l’idéalisme allemand pré-marxiste. Engels expose comment avec Marx ils ont compris, grâce à Feuerbach, que Hegel était la dernière figure importante de la philosophie classique en tant qu’interprétation intellectuelle du monde, que désormais tout retour à des fondements philosophiques au sens classique étaient vains. Le véritable objectif de toute connaissance est de transformer le monde. Cela est vrai y compris des théories énoncées par les savants qui n’ont pas conscience qu’ils œuvrent à la transformation du monde. Depuis que Hegel a partiellement pris conscience de ce fait, tout système de pensée qui n’en tient pas compte est désormais d’arrière-garde.  

dimanche 20 juin 2021

Atelier sur la valeur chez Marx

 

En octobre 2020, les Petits Bourgeois Libérés ont organisé un atelier de lecture sur la valeur chez Marx, en s'appuyant sur le chapitre 1 du livre 1 du Capital.

L'intérêt de ce texte se situe à la fois dans les résultats économiques qu'il contient, et dans la méthode, dialectique, matérialiste et rigoureuse de bout en bout. Concernant la méthode, la lecture de ce texte est importante pour voir la dialectique à l'œuvre dans ce chapitre et dans le Capital tout entier, se l'approprier, et éventuellement la mobiliser pour traiter les problèmes que nous rencontrons aujourd'hui.

Résumé des interventions :

Strelen : cheminement dialectique du chapitre 1 ;
Oxylos Neest : caractère historique des lois de l’économie, application à la loi de la valeur ;
Apostolis Castoriadis : genèse de la forme monnaie.

Un compte-rendu de cet atelier est disponible en pdf :

Compte-rendu


Le 21/06/2021, Strelen.

lundi 10 mai 2021

L’idée de valeur chez Marx et chez Friot

La « théorie marxiste de la valeur » n’existe pas

Il est fréquent d’entendre des critiques contre la « théorie marxiste de la valeur », prétendument exposée dans la section I du livre I du Capital. En réalité, cette section ne propose aucune théorie de la valeur. Marx ne redéfinit pas la valeur de façon originale, ne propose pas un nouvel imaginaire enrobant la valeur, et ne promet pas de donner un sens nouveau au mot « valeur ». De telles absences tranchent avec la production philosophique « de gauche » actuelle, qui promet de « créer de nouveaux imaginaires », « donner du sens » ou réenchanter « la gauche » avec sa ribambelle de concepts plus ou moins creux et inutiles. Habitué à rêver, le lecteur de gauche moyen est donc bien désemparé à la lecture du Capital : s’il s’en tient à ce qui est écrit, il n’y trouvera jamais qu’une analyse rationnelle du capitalisme avec ses propres concepts. Frustrés de n’y trouver aucun concept nouveau « qui leur parle », les lecteurs les plus obtus les ont donc inventés. Ils ont ainsi créé de toutes pièces une « théorie marxiste de la valeur », avant de déchaîner toute leur frustration sous la forme d’une critique de cette « théorie ».

En réalité, la valeur dont parle Marx a une définition très ordinaire, et même vulgaire : c’est la valeur d’échange1 telle qu’elle a été théorisée par les économistes bourgeois2. L’apport essentiel de Marx n’est pas d’avoir inventé de nouveaux concepts, mais d’avoir réduit en poussière ceux de l’économie politique, au premier rang desquels figure la valeur. En définitive, les critiques de la « théorie marxiste de la valeur » se sont doublement fourvoyés : non seulement Marx ne propose pas de théorie de la valeur, mais en plus il défait méthodiquement la seule théorie de la valeur existante : celle des économistes bourgeois. La conclusion de sa critique de la valeur, faite tout au long du chapitre I du livre I du Capital, et condensée dans l’image du « fétichisme de la marchandise », peut être résumée ainsi : si la valeur telle que définie par les économistes bourgeois existe, alors elle n’est qu’une forme idéologique, une représentation des rapports sociaux de production.

Il est donc clair que Marx ne formule aucune théorie de la valeur, il effectue une critique de la valeur.

mardi 27 avril 2021

Que lire ? Programme pour une initiation au marxisme

Lire, lire, lire. Pour se reposer, changer de livre.
Lénine


 
Introduction : de l'intérêt de lire des livres.
 
La meilleure façon de comprendre Marx, c’est de lire Marx. Reformuler les concepts de base du marxisme dans des textes pour les expliquer ne peut rien apporter de plus aux textes initiaux, tout ce que l’on risque de faire est de peindre en gris sur du gris et d’ajouter de la confusion. Celui qui a le mieux compris Marx, c’est Marx lui-même.
 
D’un autre côté, la lecture du Capital est une tâche longue et difficile et il est risqué de commencer directement par ce gros livre sans s’être initié à quelques concepts de base. On pourrait croire que cette double exigence contradictoire est insoluble – comme par exemple avec l’œuvre de Hegel qui est difficile d’accès, nous y reviendrons – mais Marx et Engels ont eu la bonne idée de laisser derrière eux des textes d’initiation à leur propre pensée.  Ainsi, il nous est apparu que la meilleure façon de transmettre le corpus de Marx consistait à livrer une bibliographie éclairée et ordonnée du corpus de Marx, afin d’amener progressivement les étudiants curieux et studieux jusqu’à la lecture du Capital. En outre, de plus en plus de jeunes militants qui ne savaient pas par où commencer nous avaient demandé explicitement une telle bibliographie.

samedi 17 avril 2021

Comment lire de la philosophie ?

« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils n’en ont. »

Descartes commence son Discours de la méthode par cette phrase riche en enseignements. Il postule d’abord que tous les hommes sont doués de raison de manière égale. Ce postulat est essentiellement humaniste et démocratique : chacun dispose des facultés pour faire de la philosophie, ce n’est pas une discipline réservée à une élite, seule douée du pouvoir de distinguer le vrai du faux. La raison est en chaque homme, et c’est à chacun de nous de l’utiliser avec discernement. Ce qui amène la seconde partie de la phrase, écrite sous forme de boutade : la preuve que le bon sens est universellement partagé, c’est que nul n’estime en manquer. De façon ironique, Descartes nous met en garde contre la prétention d’avoir « assez » de bon sens. Nous possédons tous le bon sens, mais cette faculté ne donne pas d’emblée le pouvoir de distinguer le vrai du faux en toute circonstance. Il faut donc le travailler et l’aiguiser. Le novice en philosophie, tout comme le confirmé, sont ainsi invités, à égalité, à lire, lire et lire encore. On n’est jamais trop novice pour commencer, et jamais trop expert pour s’arrêter.

Une fois cette déclaration de principe faite, par où faut-il commencer la philosophie ? Les philosophes ne manquent pas, et l’on est vite embarrassé par la quantité d’œuvres disponibles. Quand on se tient informé de la production philosophique actuelle, il est tentant de commencer par là… c’est-à-dire par la fin. Toutefois, commencer par la fin comporte deux défauts majeurs : on lit une production philosophique toute fraîche, qui n’a pas encore fait ses preuves, et on n’a pas la culture philosophique suffisante pour juger de sa qualité. Certes, lire de la philosophie contemporaine n’empêche pas de passer un bon moment, mais un livre plaisant n’est pas nécessairement vrai. C’est pourquoi le premier thème philosophique sur lequel on doit avancer est la vérité. Il est donc préférable de commencer par les textes classiques qui illustrent le mieux la progression philosophique vers le vrai. Les dialogues de Platon sont donc parfaits pour débuter : ils montrent combien il est important d’utiliser un vocabulaire précis, de tenir un discours cohérent du début à la fin, et de débattre en prenant au sérieux la position de l’autre. Pour couronner le tout, ces dialogues sont abordables sans connaissance philosophique préalable. Ensuite, on peut se tourner vers les textes des philosophes classiques antérieurs au XXe siècle, en fonction de ses centres d’intérêt.

Il vaut mieux commencer par les textes « faciles ». Cela ne sert à rien de se fatiguer à lire un texte qu’on ne comprend pas de bout en bout. Cela dit, c’est une excellente expérience de se confronter à la difficulté de temps en temps. Bloquer sur un texte peut être frustrant, mais c’est en le travaillant avec assiduité qu’on fait le plus de progrès. Les difficultés peuvent être de plusieurs types. La première est la plus évidente : on ne comprend pas tout à fait le vocabulaire utilisé. Contre celle-ci, il n’y a pas de solution immédiate, il faut continuer à lire, chercher des explications chez les spécialistes du texte ou du philosophe en question, puis se replonger avec plus de maturité dans le texte. La deuxième difficulté est la négligence : on lit des passages avec la certitude qu’ils sont évidents, voire presque superflus, ou bien qu’ils sont anecdotiques. Il faut se méfier de ces passages « ennuyeux », c’est souvent le signe qu’on les a compris de travers. Or, c’est justement à ces moments-là qu’il faut redoubler d’attention, et vérifier qu’on n’a pas commis un lourd contresens. La troisième difficulté est le préjugé : quand on lit un texte, on a toujours quelques préjugés sur ce qu’on est censé y trouver. Cette difficulté devient handicapante quand on s’est déjà abreuvé de nombreuses conférences mentionnant le texte, à tel point qu’on croit déjà le connaître sans l’avoir lu. Dans ces conditions, tout est réuni pour faire des contresens tout au long de la lecture : si l’on sait déjà ce que l’on va y trouver, on risque fort d’en rester là et de confirmer ses préjugés. Finalement, on ne lit pas le texte, et on ne se l’approprie pas. On en reste aux préjugés qu’un autre nous a mis dans la tête, et on lui fait naïvement confiance pour l’avoir mieux lu que nous ne pourrions jamais le faire. D’une part, cette attitude est en contradiction avec notre postulat : « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». En faisant confiance à un tiers pour comprendre un texte, on renonce à sa propre raison. On admet qu’il est des hommes supérieurs, seuls capables de philosopher, et que nous, pauvres être inférieurs, devrions leur faire confiance. D’autre part, les préjugés qu’on peut avoir sur un texte peuvent être tout simplement faux. Tout diplômé et éloquent que puisse être celui qui nous les a transmis, il peut se tromper. Ou, pire encore, il peut nous tromper. Par conséquent, la seule façon de tirer les choses au clair est d’appliquer la règle suivante : « Il faut lire un texte pour ce qu’il contient effectivement, et non pour ce qu’on s’attend à y trouver. »


Le 17/04/2021, Strelen.

jeudi 10 décembre 2020

La lutte des classes dans le Manifeste du Parti Communiste et ailleurs chez Marx

    Avertissement : avant de lire ce texte, il est recommandé de lire le Manifeste du Parti Communiste ainsi que la préface de la contribution à la critique de l’économie politique. Ce texte est un article qui détaille certains points de l’atelier sur le Manifeste du Parti Communiste mais est un article autonome.

    Le Manifeste du Parti Communiste est un exposé très concis des principes théoriques du système de Marx. Même si le ton est parfois polémique, la rigueur théorique n’est jamais abandonnée au profit de la rhétorique, et les projections futures ou revendications sont toujours énoncées avec une grande prudence. Le Manifeste est une application de la dernière thèse sur Feuerbach de Marx : il s’agit comprendre le monde non pas pour l’interpréter, mais pour pouvoir le transformer.

    Le Manifeste du Parti Communiste est un texte extrêmement dense. Quasiment chaque phrase appellerait des dizaines de pages de développements et commentaires. En fait, on pourrait dire que ce texte pose les fondements du marxisme, que Marx et Engels ont plus ou moins eu le temps de développer et compléter par la suite (par exemple dans le Capital). C’est donc un excellent texte pour s’initier au marxisme, à condition de ne pas en rester là et de continuer à approfondir son étude (lire à ce propos : Programme pour une initiation au marxisme).

    Quelques clefs de lecture et d’approfondissements peuvent être données sur les grands thèmes du marxisme à partir du Manifeste. Il m’a semblé intéressant de donner quelques réflexions sur le concept de lutte des classes. Pour lire cet article, cliquez sur le lien ci-dessous :

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